L'Ambassadeur a été reçu par le Chef Adjoint du Protocole et Directrice du service du corps diplomatique, Madame Lisette RAMCHARAN, secondée par Monsieur Alain LATULIPPE, en charge du dossier Gabon.
Au cours de leurs entretiens, très courtois mais directs, il a effectivement été question, entre autre, de la préparation de la prochaine cérémonie de Présentation des Lettres de Créance des nouveaux Chefs de Missions diplomatiques au Gouverneur Général du Canada; cérémonie prévue très probablement pour le mois de mars 2016.
En désignant une personne (appelée Ambassadeur) pour le représenter auprès d'un autre "souverain", le Chef d'un État (qu'il soit Roi, Président de la République, chef d'un Gouvernement souverain...) confie à cette personne, qu'il désigne "Ambassadeur", une correspondance appelée " lettres de créance". Même si cette correspondance tient sur une seule page, elle est toujours désignée au pluriel (les lettres). Cependant, le mot "créance" qui suit ne s'accorde pas à ce pluriel (toujours au singulier - créance). Plus loin vous comprendrez pourquoi.
Les lettres de créance répondent à une pratique diplomatique séculaire qui puise son originalité épistolaire dans la qualité des relations que les souverains entretiennent entre eux, marquées par une certaine solennité, une courtoisie aristocratique et un respect mutuel à la hauteur de l'idée qu'ils se font de leur haute légitimité. Le Chef de l'État accréditant (l'État qui envoie l'Ambassadeur) demande au Chef de l'État accréditaire (l'État qui reçoit l'Ambassadeur) d'accorder foi en ce que l'Ambassadeur qu'il a désigné peut déclarer en son nom et en celui de son gouvernement. Le groupe de mots "accorder foi" est à prendre dans le sens de "croire" qui inclut confiance et "crédibilité". Le tout est repris dans l'expression "créance" qui qualifie l'ensemble des mots (lettres) rédigés par le Chef d'État.
En termes simples, le Chef de l'État dit ceci: "Voici la personne en qui j'ai confiance et que j'envoie à vos côtés. Vous pouvez également lui accorder votre confiance et accepter que tout ce qu'il dira et fera en mon nom est digne de foi".
Alors, pourquoi doit-on faire des "copies figurées" de ces lettres?
En relations internationales, selon l'architecture diplomatique de chaque pays, le Ministère des Affaires Étrangères est la "porte d'entrée" des diplomates dans un pays donné. Ce Ministère administre la relation établie entre les deux États. C'est pour cela qu'il est qualifié de Ministère de souveraineté. A ce titre, le Ministre placé à la tête de ce département est en droit de "voir" et "vérifier" tout ce qui, provenant de l'extérieur (y compris les cadeaux le cas échéant), est destiné à son Chef d'État. C'est pourquoi des copies figurées (conformes aux originales) des lettres de créance sont remises au Ministre des Affaires Étrangères (ou à ses responsables du protocole comme dans la plupart des pays occidentaux).
La remise des copies figurées au Ministère des Affaires Étrangères n'est pas une procédure superflue. Elle marque l'arrivée effective du nouvel Ambassadeur sur le territoire du pays d'accueil qui prend en compte cette date dans la programmation de la cérémonie de présentation au Chef d'État des lettres de créance. Pour l'Ambassadeur cette procédure est aussi nécessaire en ce qu'elle aboutit à l'autorisation pour lui de pouvoir commencer à exercer ses activités dans l'attente de la cérémonie ultime (chaque pays indique les activités autorisées).
La présentation des lettres de créance (originales) au Chef de l'État déclenche la mission principale de l'Ambassadeur telle qu'elle est contenue dans lesdites lettres: la "Représentation". Conscient de cette "acceptation" par le Chef d'État du pays accréditaire, l'Ambassadeur peut désormais se consacrer à l'entièreté de sa mission: informer, protéger, négocier et promouvoir.
En conclusion, les lettres de créance mettent un terme à un débat sans fondement mais qui a malheureusement cours dans certaines de nos Ambassades.
Il est, en effet et enfin, à retenir que "représente le Chef de l'État dans une mission diplomatique son Ambassadeur qui présente les lettres de créance au Chef d'État auprès duquel il a été envoyé". Les autres diplomates présents dans une Ambassade sont "les collaborateurs qui doivent, chacun selon son domaine, mettre leurs compétences au service de la mission confiée à l'Ambassadeur". C'est pourquoi l'Ambassadeur est appelé "Chef de Mission diplomatique". Tous ceux qui ont compris cette démarche instructive et constructive noteront que les quelques tensions que l'on enregistre dans certaines de nos Ambassades, concernant les rapports Ambassadeur/collaborateurs, sont simplement incongrues. Elles ne tiennent qu'au style managerial de chaque chef de mission, d'une part, et à la capacité des collaborateurs à intégrer ce style, d'autre part. Mais ceci est un autre débat. Je vous donnerai, à l'occasion d'une prochaine communication, ma réflexion sur le management des équipes dans une mission diplomatique.
Je vous remercie d'avoir pris quelques instants pour lire cette réponse à mon collaborateur. J'espère avoir été utile. Vos réactions, vos commentaires, nous permettront d'échanger. D'autre part, pour ceux qui veulent approfondir leurs connaissances de la diplomatie gabonaise, mon livre "le serment" est toujours à leur disposition.
Les photos qui illustrent la présente note ont été prises lors de ma présentation des copies figurées des lettres de créance au Ministère canadien des Affaires Etrangères, le 09 février 2016 à Ottawa. J'étais, ce jour, accompagné de ma collaboratrice, Mme Geneviève BETOE, toute disposée à contribuer à la réussite de la mission que le Chef de l'État, Son Excellence Ali BONGO ONDIMBA, a bien voulu me confier à travers ses lettres de créance dont je suis porteur.
Sosthène NGOKILA
Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire